Quand deux inconnus parlent d’argent
Aujourd’hui, nos chemins se sont croisés pour faire un bout de route ensemble. De rires en cafés, de sourires en pas de danses, je te parle de moi, de mes voyages, de mes rêves, de mon utopisme invétéré. Entre deux murmures, je t’embarque d’Europe occidentale en Amérique Centrale, de la Patagonie à l’Océan Indien, de la Slovaquie à Madagascar.
Sans honte aucune pour ma folie, je t’explique que j’ai vécu six mois à Mada. Six mois sur la Côte de la vanille. Six mois en contrat local. Six mois avec 50 €/mois. À l’annonce de ce chiffre, tes yeux brillent. Admiration ? Scepticisme ? Interrogations ? Une seconde s’efface et tes lèvres me remplissent le cœur de déception lorsque tu me réponds “Ah, mais ça va en fait : on vit bien avec 50 € mensuels à Mada ! »
Aujourd’hui nos regards se sont croisés et ma colère s’empresse de faire un bout de route vers toi. Comment te contredire ? Oui, bien sûr qu’à Madagascar, on vit avec 50 €/mois. Avec 50 €/mois, on gagne même plus que le salaire minimum légal. Avec 50 € on est même au-dessus du seuil d’extrême pauvreté fixé par l’ONU.
Assieds-toi et écoute
ÀA Mada, avec 50 €/mois, on vit dans une case, pièce unique où s’invite le vent, la pluie, les scolopendres. On vit en se nourrissant de riz qu’on fait cuire avec du charbon de bois. On vit sans perspective d’avenri pour ses enfants, car si on a les moyens de leur payer une scolarité primaire, voire le collège, on n’aura jamais assez de sous pour leur payer le bac, et ne parlons même pas d’études supérieures ! On vit en sachant qu’une fièvre peut conduire notre bébé à l’hôpital, dans cet hôpital public où la Société Générale n’a pas encore eu le temps d’installer des sanitaires. On vit sans jamais avoir les moyens de sortir de notre région isolée. On vit en ayant une, deux, cinq voire parfois 10 h d’électricité par jour lorsque la Jirama (EDF locale) nous fait une fleur oublie de couper les générateurs. On vit sans pouvoir se payer une place de ciné, mais ce n’est pas bien grave : il n’y a aucun cinéma à Mada ! On vit avec un accès à l’eau potable réduit. On vit en se lavant dans la mer, car on a ni salle de bain ni eau courante dans la maison. On vit en attendant qu’une ONG vienne installer des latrines sur la place du village, à côté de ce puits sec. On vit sans moyens de contraceptions.
Alors oui, tu as raison, avec 50 €/mois, on vit à Madagascar. On vit dans ce pays riche de vanille, de cacao, de diamants et autres précieuses. Mais tu sais, avec 50 €/mois, on ne pense pas trop à offrir une pierre de sang à sa fiancée.
Maintenant, toi le voyageur, toi le fils de sédentaires, toi l’universitaire, toi l’artiste, toi qui as pu penser qu’on pouvait vivre bien avec 50 €/mois à Madagascar, ouvre tes yeux, aère ton cerveau et réfléchie : penses-tu vraiment qu’on puisse vivre dignement lorsqu’on ne gagne que 50 €/mois ? Que ce soit en France, à Madagascar, au Nicaragua ou en Australie, ne penses-tu pas que l’être humain aspire à plus que de vivre dans la misère ? Parce que même s’ “il me semble que la misère serait moins pénible au soleil”, la misère reste la misère, bordel !
Enfin..!. que de temps , d annėes ,de kilomètres de frontières franchies pour enfin lire quelques lignes empreintes de réalitées, de veritėes. Il y a des gens qui reflechissent dans notre pays … jamais eu autant de bonheur a lire autant de misère !
#releve la gueule ,je suis la , t’es plus seul
Merci pour ce commentaire.
Ouah,
Quel justesse dans les propos …. dans les images et dans le ressenti que nous avons aussi eu sur place…
J’ai eu du mal à lire à haute voix ce que vous avez écrit, c’est dur mais tellement vrai…
idem pour 100€ durant 1 an dans la capitale, on apprend à manger pour 1000 Ariary par repas et on côtoie des gens incroyables avec des tranches de vie formidables… on y apprend la résilience, modestie et humilité
bravo. rien à redire, c’est tellement ça !