Un tour du monde, ça semble simple à décrire : une date de départ, des sauts de puces plus ou moins excitées qui joueraient à attraper le soleil ou fuir […]
Chili
Il chante pour le vent, le soleil, les montagnes, pour lui, pour elle, pour l'inconnue qui vient d'arriver. Sans un bruit, j'entre dans son intimité musicale. Sans un regard je m'invite dans sa salle de repet' improvisée. Applaudissements, sourires. Il s'approche. Une bise. Jonatan. Céline. L'éphémérité de notre amitié vient d'étinceller.
Bip ... bip ... bip ... En l'espace de quelques secondes le ciel s'écroule sous des bruits stridents: l'alerte tsunami est lancée. Hauts parleurs et portables se répondent dans un tohu-bohu angoissant. Je crois distinguer une voix : alerte tsunami ... réfugiez-vous dans les hauteurs ... dirigez-vous vers les zones de sécurité ... ne paniquez pas ... ne paniquez pas ...
Dimanche. Entre siestes, détours et visites des alentours nos pas se dirigent vers le quartier du port. 19h00. Les pavés de la place Echaurren ont fait place aux sourires des enfants. Sur la scène improvisée quelques musiciens chantent l'arc-en-ciel de Valparaíso pendant que deux clowns muets dansent avec les marginaux du Barrio Puerto. Ligotés à un lampadaire, les oripeaux de Judas attendent leur jugement dernier.
Ce matin, les aboiements d'un chien au moins mille fois centenaires me réveillent : "C. tu fais fausse route ! Bien sûr que tu l'aimes mais cette lettre, que tu tiens tant à écrire, n'est pas une lettre d'amour: c'est une lettre d'adieu, d'au revoir, d'à jamais, d'à bientôt." Comme un sursaut de réalité je réalise que je pars. Oui, je te quitte, une fois de plus. Je pars, je m'en vais, je m'en route. Je ne pars pas "demain" ni "un de ces quatre", non, cette fois-ci mon départ a un jour, un mois, une année: je pars dimanche 02 avril 2017. Au fond, tu devais t'en douter: mon retour n'était que temporaire, tout comme mon arrivée d'ailleurs...
Entre les passants on se fraie un chemin vers la mer. Dans quelques minutes le spectacle commencera. Dans quelques minutes la messe terminera. Dans quelques minutes je comprendrai enfin cette chanson qui me fait sourire te danser depuis plusieurs mois.
Rien n'était vraiment prêt : je ne m'étais renseignée ni sur les conditions d'entrée des pays à traverser, ni sur les vaccins obligatoires et encore moins sur les routes à suivre. Mon itinéraire, résumé en deux mots, pouvait tout aussi bien me faire passer par le Paraguay, le Surinam ou Trinité et Tobago.
En quelques clics on se rappelle la violence, les agressions, le harcèlement, les viols, la discrimination. En quelques clics la dure réalité frappe de plein fouet: en 2016 le machisme tue !
Avec l’arrivée du soleil je lève mon pouce vers de nouveaux horizons. Sachant que seul un cœur brisé m’attend à Santiago, je décide de fuir le « smog » infernal pour découvrir le Cajon del Maipo.
Dans deux mois je pars ... deux mois, le temps de gestation d’une louve ... le temps de faire mon sac ... le temps de l’embrasser une dernière fois ... le temps de l’aimer une première fois ... le temps de décoller ... deux mois ...
Demain je pars. Demain je m'envole pour un rêve. Demain je dirai "à demain", encore une fois. Demain les tambours qui secoueront mon coeur feront trembler mes larmes sèches. Demain je pars.
Dix ans de voyages, cinq ans d'études et 18 mois au Chili pour reprendre la route, une fois de plus ...
Lorsque l'on décide de s'expatrier il faut penser à tout : aux livres qui garniront notre nouvelle bibliothèque, aux bilans de santé qu'on ne pourra pas se payer dans le pays le plus libéral au monde, aux personnes à qui dire au revoir ou à bientôt, aux kilos de chocolats à apporter de l'autre côté de l'Atlantique car là-bas il n'y en a pas vraiment, au visa indispensable pour ne pas être clandestin
Trois mois. Pour tous ceux qui ne voyagent pas ou qui ne sont pas dans une situation de semi-illégalité cela ne représente rien, pourtant, pour les étudiantes qui, comme moi, ne prennent jamais la peine de faire des visas cette échéance représente beaucoup : c'est le moment où l'on va visiter le pays d'à côté histoire de renouveler le visa touriste ...
A peine un visa touristique, un compte en banque vide, aucune opportunité professionnelle dans mon domaine, pas de billet "retour" ni même les moyens d'en acheter un mais toujours cette curiosité intarissable, cette soif de folie et cette folle envie de ne rien faire comme tout le monde.
Vous devez sûrement vous demander pourquoi je suis restée au fin fond du Chili, entre le Pacifique et les Andes glaciales ? Pourquoi j'accepte de bosser 15 jours de suite sans journée de repos pour gagner moins de 700 euros par mois ? Pourquoi je passe des heures et des heures au boulot à me tourner les pouces jusqu'à 21h30 ?
Le Chili c'est ... c'est des taxis peu bavards : hop, on monte dans la voiture, on paie, on part sans même avoir déballé sa vie de A à Z ... c'est des bières qu'on boit entre l'Océan, les rats et les Andes ... c'est des soirées sur son lieu de travail ... c'est une proposition de boulot après 15 jours de stage ... c'est l'envie de ne plus rentrer en France ... c'est le besoin de partir ...