Concert privé et coucher de soleil: rencontre avec Jona Maidana 

« La musique exprime ce qui ne peut être dit
et sur quoi il est impossible de rester silencieux. »
(Victor Hugo)

Dans mes yeux, le vent de la cordillère, dans mon cœur, ce musicien argentin qui chante pour lui, pour Elles, pour elle, pour ces secondes de bonheur que je lui dérobe en échange d’un sourire silencieux.


Cette après-midi, j’avais envie de prendre l’air, de sortir au soleil, m’asseoir sur un banc et regarder ce chez moi temporaire prendre vie, prendre paresse. 

Aujourd’hui, comme hier et demain, l’ombre de 15 h attire papis et mamies.
Blottie au creux de Jack London, la concentration se fait rare et je m’évade souvent vers ces bribes de conversations centenaires.

Aujourd’hui, pour caser la routine et rêver de demain, mes amis imaginaires s’en vont faire la sieste, me laissant seule avec mes coups de soleil  en devenir et ma page branche intraçable.
Emportant ma solitude, mon livre et mon stylo, je décide, moi aussi, de rentrer chez moi, au cœur de ces rues qui semblent me reconnaître, auprès de ces maisons basses et délabrées, vers ce ciel haut et infini.
Un pas après l’autre, je suis cette routine qui n’a jamais existé et m’en vais découvrir de nouveaux horizons.

Un détour.
Cerro de la Virgen.

Prendre de la hauteur. S’élever sans quitter Terre pour observer l’étonnante laideur des toits de tôle ; rêver d’un coucher de soleil partagé ; espérer trouver les mots qui me manquent pour t’écrire à toi, lecteur que je ne connais pas et qui me suit jusqu’en Alaska

Les quelques centaines de mètres qui m’éloignent du goudron me rapprochent de quelques notes de musique.
Au pied de la croix j’imagine un groupe de lycéens, quelques bières et un nuage de fumée rigolote. Je les vois déjà rire et chanter ces mélodies centenaires. Je me vois déjà sourire à leur adolescence insouciante.

Pourtant au pied de la croix ils ne sont pas là. Il est seul, lui, sa guitare, son maté, sa voix, son sourire et ces yeux noisette.
Il chante pour le vent, le soleil, les montagnes, pour lui, pour elle, pour l’inconnue qui vient d’arriver.
Sans un bruit, j’entre dans son intimité musicale. Sans un regard je m’invite dans sa salle de repet’ improvisée.

Applaudissements, sourires.
Il s’approche.
Une bise.
Jonatan.
Céline.
L’éphémérité de notre amitié vient d’étinceller.

Avec cette facilité qu’ont les Argentins, les voyageurs, les musiciens, les solitaires et les gens heureux de s’ouvrir aux rencontres, il s’installe près de ma page blanche et me raconte son histoire.

A Córdoba je construis une maison en permaculture. Je suis venu à Vicuña pour présenter mon fils de 8 mois à ma belle-famille. C’est vraiment beau ici. Là-bas j’ai un groupe de musique, ici je joue seul ou parfois avec un pote saxophoniste. Avant d’être papa, j’ai voyagé pendant 6 ans. La commodité matérielle arrivera en temps voulu. En attendant, je refuse de me tuer à la tâche pour un salaire de merde. J’ai rencontré ma compagne en voyage. Tu connais Cuzco ? J’ai des cousins en Italie. Je ne comprends pas comment un pays aussi riche que l’Argentine puisse avoir autant de problèmes. Je suis venu ici pour répéter. Tu sais jouer de la guitare ?  Viens me voir jouer le 17. Tu connais la zamba ? Ecoute ! J’aime amener mon fils à mes concerts même si ici c’est assez mal vu. C’est vraiment beau ici. Tu veux du maté ? On construit notre maison de nos propres mains. J’aimerais bien aller en Europe. Un jour j’irai. T’aimes le vin ? L’inflation est terrible en Argentine. Tu t’es déjà mise en couple en voyage ? « Yo no canto por cantar ni por tener buena voz. Canto porque la guitarra tiene sentido y razón. »

Sans fils ni aiguille, les questions volent de chansons en maté, de sourires en soupirs, de silences en souvenirs.
De son accent argentin il chante des expressions chiliennes. De mon accent français, je fredonne une curiosité vagabonde.
Les montagnes rosissent. Il est temps pour lui de quitter ce mirador de repet’.
Moi, j’ai envie de rester encore quelques minutes, histoires de danser au soleil le bonheur qui coule sur ma peau rougie.

Rencontre éphémère valsant sur des vents éternels, Vicuña m’aura offert un concert privé teinté de spontanéité enchantée…

Le moment ne se prêtait ni pour une photo, ni pour une vidéo et encore moins pour une interview formelle.
Voici une vidéo pour vous laisser empoter par sa voix.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *