« Il meurt lentement celui qui ne voyage pas,
qui ne lit pas,
qui n’écoute pas de musique
qui ne sait trouver grâce à ses yeux. »
(Pablo Neruda)
Voyage de rencontres en surprises
Que ce soit en bateau, en stop, à pied, en bus ou en camion-brousse-bon-pour-la-casse, un voyage, c’est mille et une façons de se déplacer.
Que ce soit un ingénieur buvant du rouge tout seul, un artisan voulant enseigner son art de faire des bijoux de récup, une victime de l’agent orange, un Péruvien remontant son t-shirt pour mieux se frotter la panse ou un chaman proposant de l’ayahuasca, un voyage, c’est mille et une rencontres.
Que ce soit un mariage blanc, un pique-nique dans un château irlandais, une nuit dans le hall d’un hôtel, la victoire à championnat de pétanque ou une marche de plusieurs dizaines de kilomètres pour se baigner dans un lac glacé, un voyage, c’est mille et une surprises.
Voyage en pause
Voyageant depuis toujours ici et là, je profite de chaque occasion pour me déplacer, rencontrer, me laisser surprendre.
Pourtant, depuis mon dernier séjour à l’étranger je me retrouve bloquée chez moi, confinée entre trois pièces, tournant en rond sans vraiment pouvoir bouger à cause d’une simple opération du genou. Et même si j’ai de grandes facultés d’émerveillement, je dois bien vous avouer qu’après 4 semaines d’immobilisation j’ai un peu de mal à étirer mon sourire jusqu’aux oreilles lorsque je vois pour la millième fois des coccinelles envahirent ma chambre improvisée, un scorpion sortir du placard à provisions ou mes chats jouer à saute-moutons avec des feuilles mortes !
Pourtant, la semaine dernière j’ai réussi à voyager. Non, je n’ai pris aucune drogue hallucinogène. Non, je n’ai pas louer une ambulance privée pour faire un tour d’Europe. Et non, je n’ai pas non plus entendu de voix me disant « Céline, lève-toi et marche ».
A vrai dire je ne suis même pas sortie de chez moi !
Peut-être, que lorsqu’on est globe-trotteur et qu’on ne peut plus voyager, le voyage vient à nous. Un peu comme si cette passion épanouissante savait que sans elle notre vie se vide, comme si notre cœur savait que sans ce besoin constant de nouveautés il arrêterait de palpiter, comme si Hermès, Dieu des voyageurs, faisait en sorte qu’un baroudeur ne se retrouve jamais loin de déplacements, de rencontres, de surprises …
Ou alors, peut-être que j’ai tout simplement eu envie de considérer cette semaine comme un voyage, un voyage immobile avec Léa et Guillaume, les deux marcheurs du blog Un an à l’Ouest.
Voyage à pieds
Léa et Guillaume c’est un couple. Léa et Guillaume ce sont deux rêveurs. Léa et Guillaume ce sont des voyages passés, des rencontres présentes, des surprises futures. Léa et Guillaume c’est un projet : celui de faire un tour de France à pied, sac sur le dos, bâtons dans les mains et ampoules dans les chaussures ; celui de partir à la rencontre de celles et ceux qui ont décidé de vivre autrement ; celui de découvrir les initiatives alternatives locales qui nous permettent de savoir qu’un autre monde est possible et qu’il existe déjà. Léa et Guillaume c’est l’envie de prendre son temps pour profiter de leur mode de déplacement, des rencontres et des surprises. Léa et Guillaume ça a été mon voyage immobile, une rencontre et de belles surprises …
Voyage immobile
Pendant plusieurs jours Léa et Guillaume ont décidé de troquer leurs chaussures de rando pour des chaussons, de garder leur chaud pour dormir dans un vrai lit et d’oublier la marche à pied pour glandouiller sous le soleil cévenol. Une sortie de 10 minutes en bas de chez moi et nous voilà de retour avec suffisamment de châtaignes pour tenir un siège. Tout en prenant le temps d’être indécis nous décidons de mettre à profit mon immobilité pour voyager, ensemble.
Voyage culinaire
Au four, en confiture, en tarte, au feu, à l’eau, en riz au lait, tout y passe ! Pendant que les peaux des fruits tombent, nous retournons au Costa Rica le temps de rêver à ces salades de fruits géantes du petit déjeuner. Eux, m’emmènent dans leur tente, lorsqu’à la nuit tombée ils mangent des soupes en sachet. Moi je les embarque en Patagonie où la patate est déesse.
Lors des repas se sont nos papilles qui s’envolent vers ces saveurs qui nous rappellent les fêtes de fin d’année, les heures passées à sécher les cours en mangeant des châtaignes dans le parc municipal, les dimanches matins à respirer les odeurs d’épices et de poulet rôti sur le marché de Wazemmes..
Voyage en solitaire
Pendant que les châtaignes grillent, chacun prend du temps pour soi, pour dévorer une bd, un policier ou le dernier Naomi Klein.
Le silence nous accompagne alors dans ces moments de solitude partagée et disparaît dès que l’un de nous remonte à la surface de la réalité.
La marche est souvent introspective, solitaire, silencieuse. Une après-midi entre marcheurs bavards peut aussi se fondre dans le silence des âmes heureuses.
Voyage temporaire
Assis au soleil nous voilà de retour à Roubaix, sur les bancs de la fac. Moi je fais un détour par Madagascar et eux s’envolent vers la Bretagne en compagnie d’amis en commun. A travers cette rencontre je revois Adèle, Tristan, Simon, Lulu et les autres. A travers cette rencontre je découvre de nombreux acteurs d’initiatives alternatives, des couchsurfeurs, des marcheurs et des mangeurs de vers grillés.
Fin du voyage
Mon voyage immobile s’est arrêté lorsqu’ils ont repris la route vers leur projet, leurs rencontres, leurs surprises. Même si c’est le vague à l’âme et la jalousie dans les genoux que je les vois partir je suis heureuse d’avoir partager avec Léa et Guillaume ce bout de chemin statique au pied du Mont Aigoual.
Pendant près d’une semaine j’ai pris le temps de repenser à Proust qui a dit :
« Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux »
Et toi, lecteur, voyages-tu sans bouger de chez toi ?
C’est si joli… Merci de partager ça avec nous 🙂
Merci 🙂