Un voyage au cœur de l’hypersensibilité

Éclats d’une hypersensibilité

Quand tu m’as vu pleurer, tu n’as pu t’empêcher de me dire que ce n’était rien, qu’il ne fallait pas que je me mette dans tous mes états. Tu pensais sûrement bien faire.
Quand tu m’as vu rire aux éclats, tu n’as pas réalisé que c’était pour un rien, qu’il n’y avait aucune raison que je me mette dans tous ces états. Tu aurais sûrement eu l’impression de dire n’importe quoi.
Quand tu m’as vu scander dans des langues étrangères, tu n’as pas compris pourquoi je luttais pour des droits d’ailleurs, des droits que j’avais déjà, chez moi. Tu trouvais sûrement cela absurde.

Ici et là, je suis hypersensible. De la joie à la peine, je ris et je pleure pour tous ces petits riens qui domptent ma vie.
Ici et là, je laisse mes sentiments exploser aux éclats, rouler sur mes joues ou hurler à l'injustice. De la rage à la peur, j'aime et je vis pour tous ces inconnus qui ont croisé ma vie.
Ici et là, mon cœur d'artichaut tombe pour des amours inespérées, impromptues ou impossibles. Des rêves aux draps blancs d'une sieste d'été, je change le cap des voyages qui rythment ma vie.

Pour toi, ce ne sont que des broutilles. Pour moi, ce sont des perles de souvenirs salés. C’est ce petit monsieur qui m’offre son dernier bout de pain, c’est ce routier qui me propose de dévorer ses bananes parce que mes yeux rougis crient à la gourmandise, c’est ce croyant qui nous paie une chambre d’hôtel en guise de merci.
Pour toi, ce n’est qu’éphémérité. Pour moi, ce sont les battements d’un cœur qui répond au chant d’un souvenir d’ailleurs. C’est ce mouchoir tendu à Auschwitz, c’est cette mère qui m’adopte de tout son amour et c’est la plus belle vue sur le port de Valparaiso.
Pour toi, ce ne sont que des conquêtes d’un soir, d’une heure ou d’une rando. Pour moi, ce sont des amours aussi brèves qu’éternelles. C’est un coup de foudre breton en sortant du bus, c’est un écran bleuté et une nuit interdite en auberge de jeunesse.

Souvenirs hypersensibles de voyages

Dans les éclats d’un rire sonore, dans les larmes discrètes d’un chagrin éphémère ou dans le silence d’une timide introversion, je vis chaque rencontre comme si elle était unique, magique, essentielle. Car elle l’est.
Elle ne dure que le temps d’une douche, d’un trajet en bus, d’une chasse au soleil sous la pluie slovène ou d’une promesse d’amour éternel. Elle est parfois épistolaire, charnelle ou amicale. Elle se termine souvent sur un cœur en miettes. Elle est toujours assez forte pour tatouer en mon sein un sourire invisible, un réveil nocturne ou l’envie d’aller voir ailleurs s’il est encore là.

Dans une crampe des zygomatiques, dans les étoiles d’yeux émerveillés ou dans la douceur d’une solitude choisie, je savoure chaque découverte comme si les paysages pouvaient disparaître aujourd’hui ou demain. Car la connerie de l’humain est vite arrivée.
Sur mon vélo, je bats les records de ma propre vitesse en hurlant la « Belle Ciao ». Sur une plage déserte, je parlemente avec des iguanes pour savoir s’ils m’autorisent à m’installer sur leur sable. Sous la lune esseulée, je lui envoie une capsule sonore pour lui rappeler, que la route l’attend, avec Elle.

Dans l’adrénaline d’une journée que je ferais mieux de ne pas raconter, dans le goût infâme d’une fourmi alcoolisée ou sur les pavés battus par un peuple en colère, je vis chaque expérience comme si elle me rendait plus riche, plus forte et plus folle. Car elle le fait.
Sur un bateau qui prend l’océan Indien, je m’accroupis au milieu des machines inondées. Avec Elle, je pagaie en chansons sans savoir si le vent voudra bien tourner. Avec Lui, je lève mon pouce vers les ailleurs inconnus. Je te mentirais si je te disais que je me souviens de chaque trait, chaque chant et chaque ville. Pourtant, je sais que dans l’oubli de son nom, des jours de pluies et des trajets de bus, je garde en mémoire la force de rêves échangés.

Incompréhension d’une hypersensibilité vagabonde

Quand tu m’as vu pleurer, tu n’as pas compris qu’à cet instant précis, mon monde s’arrêtait de tourner. Pour toi, ce n’était un départ, un au revoir ou un chagrin d’amour. Pour moi, c’était offrir un bout de mon cœur à l’abandon.
Quand je t’ai entendu me dire de me reprendre, je savais que le monde allait repartir dans le sens des aiguilles d’une montre. Je savais que cette douleur passerait et que les larmes asséchées dessineraient des sillons d’oubli sur mes joues. Je savais et je sais que rien ne dure pour toujours, ni cette nuit entre ses bras, ni cette soirée à faire du toboggan dans un hôtel étoilé, ni cette mangue mûre à souhait. Je le savais et je le sais, parce qu’à chaque rencontre, à chaque départ et à chaque espoir, je m’offre au-delà des limites de la raison.

Bercée par l’éphémérité du voyage, je transforme les expériences, anecdotes et soupirs en présents éternels. Bercée par l’éphémérité de la vie, je transforme chaque voyage en anecdote et expérience éternelle. Bercée par mon éternelle hypersensibilité, je vis chaque seconde comme si elle était la plus importante de ma vie. Qu’elle soit éphémère, éternelle, colérique, euphorique, amoureuse ou ballonnée.

Quand tu m’as vu rire aux éclats, tu n’as pas compris qu’à cet instant précis, je n’avais jamais été aussi heureuse. Pour toi, ce n’était qu’un chauffeur de bus qui faisait demi-tour pour me déposer, le message d’un lecteur ou un douanier qui me donne un visa alors que je n’avais, légalement, pas le droit d’être là. Pour moi, c’était la générosité d’une inconnue, la beauté de l’Humain et un rêve qui se réalise.
Quand je t’ai entendu me dire que je riais trop fort, je savais que mon sourire pouvait sembler exagéré, que mon rire était bruyant et que mes larmes de bonheur pouvaient surprendre. Pourtant, je ne sais pas faire autrement. Je ne sais pas apprécier, aimer ou détester sans sentir mon cœur exploser. Je ne sais pas voyager, découvrir ou rencontrer sans sentir que je vis ma meilleure vie, ici ou là-bas, seule ou avec toi.

Quand tu m’as vu battre les pavés étrangers, tu n’as pas compris que je ne me battais pas pour MON droit à l’éducation gratuite, pour MON droit à l’avortement ou MON droit à la démocratie. Pour toi, ce n’était qu’une perte de temps. Pour moi, c’était le refus de l’injustice.
Quand je t’ai entendu me dire que ces luttes ne me concernaient pas, je n’ai pas su quoi te répondre. Quand une femme me raconte qu’elle a failli mourir en avortant clandestinement, mon hypersensibilité ne pleure pas. Elle rage. Quand un couple m’explique qu’un dictateur tire sur des civils cachés dans une université, mon hypersensibilité ne pleure pas. Elle rage. Quand mes frères de cœur ne peuvent pas étudier sans s’endetter sur 50 ans, mon hypersensibilité ne pleure toujours pas. Elle rage. Alors, avec mon accent et mon passeport, on sort dans la rue. On crie pour que mes privilèges de femme cis blanche et occidentale se transforment en droits ici et ailleurs. Avec mon hypersensibilité et ma peur bleue de me faire expulser, on hurle notre rage parce qu’on est incapable de rester les bras croisés pendant qu’Elle, Eux et Lui vivent dans la peur.

Ici et là, je suis hypersensible. De l'amour au désespoir, je susurre des "je t'aime" et cajole le silence de toutes ces grandes choses qui guident ma vie.
Ici et là, je laisse mes passions dessiner des chemins de traverse, vagabonder d'un cœur à l'autre et jouer entre les parenthèses de tous ces sourires réels ou virtuels. Car, ce sont eux qui rendent mon hypersensibilité plus facile à vivre.
Ici et là, mon cœur d'artichaut lance des feux d'artifices impossibles à arrêter, impossibles à envelopper.

Sans pudeur ni réserve, je livre mes sentiments aux pavés que je frôle. En dortoir, sous ma tente ou dans la rue, je laisse exploser mes rires, mes larmes et mes doutes. Je suis une voyageuse hypersensible. Je découvre le monde à travers mes passions, mes peurs et mes amours. Alors, si à chaque départ, je sème des miettes de mon cœur vagabond, tant pis. Tant mieux. Car au-dessus de l’océan, ce sont des miettes de bonheur que je laisse s’envoler vers ma vie rêvée.

Pour aller plus loin sur le sujet, je te conseille d’écouter le podcast Émotions : L’hypersensibilité peut-elle être une force ?

8 réflexions sur “Un voyage au cœur de l’hypersensibilité”

  1. <3
    Ca me rappelle quand j'étais dans un festival en Thaïlande et que j'étais tellement émue du moment incroyable que je vivais que j'avais vraiment très très envie de pleurer (mais je me suis retenue… et ça m'a fait très mal à la gorge 🙁 je pense que tu dois bien connaître cette sensation horrible ?).

    D'un cœur d'artichaud à un autre, moi je trouve pas que je sème des miettes lors de mes voyages mais des graines de moi-même. Ce que je perds ne me diminue pas mais va (peut-être) prendre racine plus loin, qui sait…

    1. J’ai tellement de mal à retenir mes larmes. J’essaie mais, souvent, elles coulent sur mes joues sans même que je m’en rende compte. Pour le festival, je comprends. Les concerts me mettent dans tous mes états (voir plein d’inconnus passer un bon moment et vibrer au son d’une même musique, c’est carrément magnifique !)

      J’aime beaucoup l’idée des graines. C’est beau. Je voyais des miettes de gâteaux, celles que l’on picore du bout des doigts pour essayer de grappiller quelques secondes supplémentaires de plaisir gustatif.

      Merci beaucoup pour ton commentaire 🤍

  2. Tes mots sont tellement beaux, tellement fragiles ill faudrait peut etre les proteger
    les édités toi meme si il le faut . mais peut etre le sont ils deja ?
    je me suis surpris a vouloir faire un copier coller avant de m’apercevoir que je n’ai personne a qui envoyer une lettre d’amour . . . : ) Donc.. .

    1. Merci beaucoup. Je n’ai pas publié ces textes et pour l’instant je ne pense pas le faire. Peut-être un jour …

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