Corse : l’île aux mille beautés

Il existe, en France, mille et une îles de beauté. Il existe, en Méditerranée, mille et une Corse.
Là, quelque part entre Marseille, le Paradis et l’Italie, la Corse trône sur des pages de sable blanc. Quelque part entre les névés de juillet, le soleil de plomb et la houle dansante, la Corse s’étire le long de falaises dorées.
Cette Corse est unique. Multiple.

Une beauté multiple

Cette Corse, c’est celle des férus de randonnée qui courent, trébuchent, suent et admirent les crêtes du GR20. En 30 heures, 10 jours où 2 semaines, ils montent et descendent les monts du centre du pays. D’un bout à l’autre de l’île, ils usent leurs grolles, un sac toujours trop lourd sur le dos.
Cette Corse, c’est celle de Brigitte et Michel, un couple peut ordinaire qui tourne autour des criques désertes à bord d’un palace flottant. Pas plus de 5 m de long, juste de quoi embarquer avec soi ses différences, ses envies d’ailleurs et ses disputes de couple.

Cette Corse c’est aussi celle des motards qui, d’un coup de guidon caresse le bitume brûlant. D’un virage à l’autre, ils ronronnent au son des moteurs, ils vibrent à la vue du vide qui s’élance sous leurs yeux curieux. Et puis, cette Corse, c’est aussi la mienne. La nôtre. C’est l’île de Beauté. Aux mille beautés.

Une Corse inédite

Avant de débarquer au port, je ne connaissais rien de ce territoire flottant. Je connaissais Bastia et Ajaccio. De nom. L’un était au Sud, l’autre au Nord. Dans ma géographie titubante, elles alternaient de cap, de temps en temps. Puis, en arrivant à Bastia, il ne m’aura fallu que 50 jours pour comprendre qu’Ajaccio était là, quelque part en bas à gauche de la carte, à 4 h de train et 3 semaines de kayak. Au moins.

Au fur et à mesure de mon voyage, les villes ont pris place dans ma mémoire. Étalée sur le sable, les galets et la mer, la carte de Corse m’offrait un monde à découvrir, à arpenter, à pagayer. Comme un rituel, je glissais, sur ce bout du monde plastifié, mon doigt curieux, mes rêves d’ailleurs et ma faim d’aventures. À chaque étape, je vérifiais la distance parcourue, je peaufinais mes envies d’inconnus et savourais les souvenirs aux accents chantants. De port en port, je dessinais dans le creux de mon sourire, cette Corse qui devenait mienne.

Une beauté que j’ai faite mienne

Ma corse, ce n’est ni celle des amoureux qui roulent dans des camions douillets, ni celle de Mat qui parcourt l’île au rythme des retrouvailles ni même celle d’Étienne, l’enfant du pays qui nous a adopté entre son cabanon portuaire et ses histoires de cabales. Mon île, c’est celle des camaïeux de bleus, des patterns de vagues et des textures de sables.

Ma corse, c’est la houle qui se gaufre sur le passage d’un jet ski affolé, ce sont les vagues qui dansent sur la plage de Nonza et les courants qui dessinent des rêves impossibles sous les falaises de Bonifacio. Ma corse, c’est le sable blanc de Santa Giulia qui s’invite dans le sac de couchage, les culottes et les cheveux endormis. C’est le sable en devenir qui croque sous la dent, ce sont les galets qui ont vue sur les Sanguinaires et les yeux de Lucie que je cueille sur la plage de Barcaggio.

Ma Corse, c’est aussi le bleu « ton sur thons » qui nous rappelle que l’on navigue à plus de 300 m des côtes. C’est la couleur d’une pastille pour WC et le noir d’un pétrole argenté. C’est l’arc-en-ciel de turquoise qui s’éloigne du Cap Corse pour rejoindre le continent, c’est le latex qui oscille sur la houle matinale et les escaliers bleutés qui s’élèvent vers la lune rousse.


Ma corse, c’est une explosion de beauté, de douceur et de rires. Lorsque le vent nous souffle des ronrons de vitesse, nous pestons contre la vague qui enfle. Lorsque le siroco nous attire vers Nice, nous débattons avec Éole quant à la suite du voyage. Puis, lorsque les dieux, les patrons et les saintes nous soufflent leurs histoires d’hier et de demain en pleine face, nous rattrapons la terre et les laissons à leurs longs discours ventés.

Une Corse humaine

L’île aux beautés, n’est pas seulement naturelle. Elle est humaine. Ce petit bout de paradis, ce sont des serveuses qui nous racontent leurs saisons, leurs rêves et leurs fruits. C’est une dame qui nous vend des roses parce que pendant le premier confinement, les gens jetaient leurs chats angoras parce qu’ils n’avaient pas le droit d’acheter du coca. C’est un chasseur qui a pris un coup de chevrotine en pleine tête, des papis qui parlent de vers américains et un pêcheur qui fait des bracelets. C’est l’éphémérité de parenthèses bienveillantes, d’amitiés spontanées et d’envie d’en savoir plus. Sur Lui. Sur Eux. Sur cette île du bout de mon monde.

La Corse, ce sont des inconnus qui prennent le temps de nous dire bonjour, à nous, les touristes en kayak, les badasses au canard jaune. Ce sont ces humains qui enlacent nos coeurs d’un peu d’humanité. Ce sont des sourires, des encouragements, des rires et cet accent que l’on comprend parfois. Ou pas. La Corse, leur Corse, c’est un récital en hommage à Brassens, des rires lors d’un concert de chants polyphoniques, une soirée à écouter des musiques andalouses au pied d’une citadelle. C’est un digestif de myrthe, l’eau qu’il verse dans nos bouteilles, une part de fiadone et un café trop fort.

La Corse, c’est la générosité, la rencontre, le partage, les pizzas, la douceur de vivre et la lenteur du temps qui file toujours trop vite.

Une saudade corse

Je n’ai passé que 50 jours autour de cette île aux mille et unes falaises. Je n’ai passé que 7 jours sur les rails brinquebalants d’un train fatigué. Pourtant, c’est le cœur chargé de souvenirs, de rires et de soupirs que je repense à ce voyage. Une aventure au bout du monde, à la fin d’une pandémie solitaire, à l’orée de découvertes à venir. C’est le sourire plein de rencontres, d’explorations et d’aventures que je te raconte ce petit bout d’ailleurs que je connais si peu. Que je connais suffisamment pour lui dire que je l’aime.

Assise sur le pont d’un ferry, je regarde le soleil se lever sur Bastia. Dans quelques minutes, l’île disparaîtra de mes yeux. Alors, dans ce dernier au revoir, je laisse la saudade d’une rencontre aussi éphémère qu’éternelle se lover dans mon petit cœur vagabond.

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