À toi la voyageuse introvertie, à toi le voyageur extraverti,
Tu m’as peut-être déjà vu, assise seule au fond de l’auberge de jeunesse. Souvent, je prends une livre pour m’accompagner. Lorsque quelqu’un entre dans le salon de l’hostal, je sors de ma rêverie littéraire et offre un sourire discret.
Le soir, lorsque la salle se remplie, je m’éclipse discrètement. S’il y a un concert, je troque mon livre pour un carnet épais. Au rythme du bombo, j’écris des textes oniriques.
En journée non plus, tu ne me vois pas beaucoup. Je ne me renseigne jamais sur les activités de groupes et, lorsque l’hostel propose une sortie, je décline l’invitation, sans toujours donner de raison.
Lorsque tu m’as vue, assise dans mes pensées, tu t’es peut-être dit que j’étais triste. Ou timide. Peut-être même malade. Après tout, la tourista et la nostalgie n’épargnent personne.
En me voyant refuser une sortie en boîte de nuit, tu t’es sûrement dis que j’étais rabat-joie. Puis, quand tu as compris que je ne participais jamais aux activités « sociales », tu as préféré ne plus te prononcer sur mon sort : j’étais un cas désespéré. À tes yeux, je devenais sûrement la voyageuse solo, solitaire. Cette pensée t’as fait sourire. En un clin d’œil, tu m’as imaginée rentrer de voyage et raconter mes aventures à mes 12 chats.
Aujourd’hui, après plus de 15 ans de voyage solo, solitaire, c’est moi qui souris (en caressant mon chat). Je souris parce qu’enfin j’ai compris.
J’ai compris
Lorsque je t’ai vu rentrée dans la salle de l’auberge, je venais de dénicher un super bouquin. Je commençais à peine à le lire et tu es arrivée, tout sourire. Sans peur, tu t’es dirigée vers un groupe de voyageurs. Vous avez parlé, ri et en quelques minutes vous organisiez une sortie groupée.
D’une oreille indiscrète, j’ai écouté votre programme. J’ai eu envie de me lever, de vous rejoindre et de vous accompagner. Alors, j’ai tourné la page de mon livre puis, j’ai poursuivi ma lecture.
Ce jour-là je n’avais pas la force de me présenter, d’écouter des inconnus, de rire et de passer des heures à sociabiliser.
Ce jour-là, j’ai préféré faire une rando solo sur un sentier oublié de tous.
En rentrant de ma journée solitaire, il y avait un monde fou dans le salon. Je suis passée discrètement et j’ai filé à la douche. Le temps d’une chanson, j’ai dansé et chanté sous l’eau. Une fête de bien-être, en solitaire.
Mes oreilles, toujours aussi indiscrètes, se sont baladées de conversations en conversations. J’ai essayé de m’avancer vers un groupe de voyageurs. Ils avaient l’air de s’amuser. Je me suis assise, j’ai partagé ma bouteille, répondu à quelques questions puis, je suis partie. Je me suis glissée sous ma couette avant même que l’on me propose de sortir en ville. Mes jambes avaient envie de danser mais, ce soir-là, je n’avais pas la force de vadrouiller, de répéter mon histoire et de passer des heures entourée d’inconnus.
Tu sais, si j’évite la foule ce n’est pas parce que je suis triste, timide ou malade. Je suis simplement une voyageuse introvertie.
Je suis introvertie
Je suis une voyageuse introvertie.
Je suis une voyageuse solo qui a besoin d’être seule.
Je suis de celles qui aiment se perdre dans les montagnes et préfèrent la solitude de leur tente au confort d’un lit en auberge.
Je suis de celles qui ont besoin du silence et puisent leur énergie dans des mots silencieux.
Je suis de celles qui dansent avec leur ombre et ont des batteries sociales qui s’épuisent rapidement.
Je suis de ces voyageuses qui observent l’humain, comme elles admirent un ciel étoilé.
Adepte de la lenteur, j’aime et j’ai besoin de prendre mon temps. Je rencontre les humains, comme je visite un pays. Un pas après l’autre, je souris, écoute et analyse le monde qui m’entoure.
J’aime et j’ai besoin d’un instant pour observer, comprendre les dynamiques et savoir quel sourire arborer.
Adepte du silence, j’aime et j’ai besoin de me retrouver seule. Après une randonnée épuisante, une visite dans une ville bruyante ou un voyage de plusieurs heures, j’aime et j’ai besoin de calme pour me ressourcer. J’aime et j’ai besoin du vide qui m’entoure.
Seule, le soir, j’échange quelques messages avec des amis d’ailleurs. Dans le silence d’un lit inconnu, j’apprécie la lumière bleue de mon écran. Oh, ce n’est pas ce que tu crois. Sur les réseaux sociaux aussi je suis introvertie. Je n’échange qu’avec celles et ceux qui comprennent que je suis de celles qui aiment en silence.
Sur la route, j’aime et j’ai besoin de rencontres éphémères. J’aime et j’ai besoin d’échanger quelques mots, marcher un kilomètre ou deux avec un inconnu puis de me retrouver seule avec son souvenir. J’aime et j’ai besoin de nuits courtes qui ne demandent pas à mon âme de se dévoiler. J’aime et j’ai besoin de m’aventurer hors de ma bulle solitaire en quelques battements de cœur. J’interagis avec une personne, parfois deux. Lorsque nos sourires s’entendent, je me tourne lentement et agrandis mon cercle de partage.
En voyage, j’aime dessiner des amitiés sincères. J’aime semer quelques sourires, les arroser de moments partagés et les nourrir de confidences. J’aime prendre le temps d’une rencontre éternelle. Des milliers de rencontres vagabondes faites en voyage, seules quelques unes me suivent jusque derrière mon écran à la lumière bleue.
Je fais le plein d’énergie sociale
Dans le silence et la solitude, je recharge mon sourire et mon cœur. Je fais le plein d’énergie sociale. L’envie de dévorer le monde chatouille alors mon quotidien.
Alors, je sors de ma bulle de confort et me lance à l’assaut de volontariats, soirées et rencontres à tout va. Sous mon masque de réceptionniste, je parle à en perdre salive. Déguisée en autostoppeuse, je raconte ma vie à qui veut l’entendre et accueille comme un présent les histoires de mes conducteurs. Entourée de locaux et de voyageurs, je ris un peu trop fort, danse de façon un peu trop arythmique et partage ma table du petit-déjeuner dans des langues d’ailleurs.
Ce jour-là, tu m’as peut-être déjà vue, assise entourée d’inconnus. En m’entendant rire, parler et proposer de sortir (en petit comité), tu t’es peut-être dit que j’étais de ces voyageuses solo qui ne sont jamais seules. Tu m’as offert un sourire discret puis tu t’es éclipsé discrètement.
Avant de plonger dans ton livre, tu t’es peut-être même demandé d’où je tirais autant d’énergie pour parler à plus de deux personnes à la fois.
Lorsque j’ai vu tes oreilles indiscrètes écouter nos conversations, j’ai souri. Mes yeux t’ont suivi quand tu as refusé une invitation. Je sais que sans forcément donner de raison, tu es allée te glisser dans le silence d’un lit inconnu.
Je sais que mon euphorie sociale ne va pas durer. Dans quelques heures ou quelques jours, lorsque j’aurais entièrement vidé mes batteries, je reprendrai ma place, entre un livre et la solitude. Je repartirai, une fois de plus, sur des sentiers oubliés de tous. Seule, dans ma tente, j’écouterai le chant de la nature et embrasserai cette introversion qui me suivra jusqu’au bout du monde.
Je suis une voyageuse introvertie.
Je suis une voyageuse solo qui a besoin de temps pour partager son quotidien.
Je suis de celles qui préfèrent dire bonjour de loin plutôt que de serrer la main.
Je suis de celles pour qui les interactions humaines demandent de l’énergie. Beaucoup. Parfois trop.
Je suis de celles qui sourient au monde comme elles embrassent la vie.
Je suis de ces voyageuses solitaires qui aiment les rencontres autant qu’elles aime la solitude d’un voyage en solo.
Quel joli texte dans lequel je me retrouve. Même si je voyage en couple, mon conjoint et moi n’avons pas besoin / ne ressentons pas le besoin de parler sans arrêt. On n’a pas forcément envie non plus d’être super potes avec les gens qu’on rencontre, qu’on croise. Même si on nous invite… Comme toi, je ne donne pas nécessairement de raisons. La plupart du temps, les gens voient que je bosse et croient que mon homme est timide. Enfin bref! Ces dernières années, je me suis demandée si ce caractère introvertie n’était pas partiellement lié à la nationalité, un trait culturel. J’ai remarqué que les français aimaient avoir la paix alors que d’autres nationalités supportaient difficilement le silence…
Merci pour ton témoignage.
J’ai récemment écouté le podcast « Emotions » sur les introvertis. L’une des intervenantes parle des différences entre la France et les USA. Elle explique notamment la pression sociale que peuvent connaître les introvertis aux Etats-Unis. Je l’ai écouté après avoir lu ton commentaire et j’ai tout de suite pensé à toi. Tu as peut-être raison, il y a peut-être des différences au niveau culturel. Si dans une culture l’introversion est mal perçue, alors, les introvertis auront peut-être plus facilement tendance à jouer aux extravertis.
Moi aussi je suis assez arythmique 😉
Et pas mal de tout le reste aussi !
Voyager en étant arythmique, n’est vraiment pas facile. Surtout quand on doit se déhancher, assis, pour suivre le rythme des taxi-brousses qui foncent de nid de poule en nid de poule.
Se lire à travers les mots d’une autre… ça a toujours quelque chose de troublant.
A une époque je pensais que je n’étais pas normale: « pourquoi les autres étaient toujours ensemble à rigoler et à se faire des potes d’emblée à peine arrivés dans l’auberge ? » Puis j’ai appris à mieux regarder.
Il y aura toujours quelqu’un dans un coin comme tu le dis si bien… quelqu’un avec un livre, quelqu’un qui observe comme toi ou moi. Finalement l’effet groupe est un mirage d’exclamation et de sons forts, nous faisons facilement oublier les plus discrets. Ce que j’aimais bien en auberge, c’était justement ces gens-là, qui venaient parfois s’asseoir à côté de moi pour discuter doucement. Alors je troquais mon livre un court instant contre un moment revigorant.
Tes mots font assez écho à la lettre que j’avais écrit un jour sur le blog à ma zone de confort. ♥
Merci pour ce commentaire. Je vais aller jeter un œil à ta lettre 🙂
J’ai mis beaucoup de temps à comprendre que ce n’était pas grave de ne pas faire la fête tous les soirs, d’avoir besoin de calme ou de préférer visiter une ville en solo plutôt qu’avec un groupe d’inconnus. Pendant des années je pensais que si je faisais pas un maximum de rencontres, mon voyage allait être « vide ». Je pense que la pression sociale y était pour beaucoup.
J’ai eu pas mal de retour sur cet article et ça fait du bien de voir et de savoir que même les introvertis voyagent ! 🙂