Ici et là, il est de ces endroits qui vous attrapent pour vous emporter hors du temps. De ces villages aux murs décrépis et aux toits ondulés où deux nuits se transforment rapidement en une semaine de découvertes. De ces paysages qui, en quelques foulées, vous connectent à cette réalité loin d’internet, de votre douche chaude et de votre lit douillet.
Ici et là, il est de ces endroits qui transforment un tourisme lambda en rêve voyageur. Le temps de s’habituer à la danse du vent sur les tôles alourdies de pierres, et nous voilà déguisés en explorateurs du quotidien, en sédentaires hebdomadaires.
Ici et nulle part ailleurs, il y a Sajama. Ce village aux toits décrépis et aux murs ondulés. Ces paysages qui allongent le séjour et écourtent nos envies de départ (toutes les infos sur le parc en fin d’article).
Sajama, ce parc aux tourbillons de sable qui s’élèvent vers un soleil infiniment brûlant. Ces nuages qui se forment au gré du vent de l’heure de la sieste. Ces champs de lamas que l’on traverse au son d’une photo volée. Ces geysers brumeux aux allures de bals de korrigans. Sajama, cette pause qui nous aura fait reprendre la marche quotidienne au goût de coca. Cet apprentissage du corps au souffle court. Ce dépassement de soi et la découverte de ses propres limites, sans regret, avec fierté, avec son asthme et autres problèmes qui feront de ces lagunes un simple mirage au fond de mes rétines rêveuses, impossible à atteindre.
Aujourd’hui, blottie hors du temps qui vient de m’annoncer que le dimanche de Pâques les Chrétiens tuent le lama et que le seul chauffeur de bus bois de la chicha du matin au soir, je sens glisser entre mes doigts les deux mois passés en Bolivie. Assise au milieu de volcans aux noms de desserts italiens, les mots de ce premier article touristique, itinéraire de mon passage dans ce magnifique pays, se bousculent dans mes souvenirs et se dessinent sur cette page encore blanche.
Uyuni, porte d’entrée de la Bolivie
Il est 03h00, la lune brille, les étoiles scintillent et cela fait plus de 7 heures que nous attendons dans le froid désertique. Tout est au mieux dans le meilleur des mondes possibles lorsque les portes de la gare routière s’ouvrent enfin sur notre futur voyage.
Sans attendre le ronron du moteur, nous nous sentons déjà en Bolivie: un bus des années 90 sans toilettes, sans possibilité d’allonger le siège et avec un chauffeur aux mots différents. Sans attendre le ronron du moteur, nous quittons le DisneyLand chilien pour commencer la suite de notre traversée des continents américains. Après trois semaines de stop et de biscuits secs/confiture en Argentine, après un retour dans un chez moi chilien, après la découverte du grand nord du sud, nous troquons nos pouces levés pour des bus rudimentaires.
Le jour se lève, l’altitude se fait sentir dans nos oreilles endormies et le douanier désagréable nous rappelle que même à près de 4.000m au dessus du niveau de la mer, des tensions existent entre les deux pays voisins et que, ce n’est pas parce que nos passeports viennent des quatre coins du monde que nous aurons un traitement privilégié: la mauvaise humeur, le manque de politesse et le regard furieux sont de mise pour tous les passagers.
Uyuni. De la poussière, des voitures prêtes à écraser le premier piéton venu, une douche électrique, des pastèques roses, jaunes et oranges et mille et une odeurs à découvrir.
Uyuni, point de départ de nombreux tours pour visiter le désert de sel le plus connu du continent. Suivant la danse des touristes étrangers, nous allons et venons d’agence en agence à la recherche du meilleur prix. Demain nous partions pour une journée de tourisme de masse: 4*4, guide sous payé, valse de véhicules dans un environnement blanc, humide et pollué… N’étant pas de grandes amateurs de ce genre de tourisme (et n’ayant plus un sou en poche), nous ne visiterons pas le Sud Lipez.
Après cette journée éprouvante pour mes oreilles de voyageuse qui ne veut pas d’enfants, nous allons nous coucher sans regret: non, nous n’aurions pas supporté 3 jours de voiture avec un guide qui fait sa sieste de midi à 15h, qui ne s’arrête que 20 minutes pour prendre des photos, qui n’explique rien et qui est sous-payé par une agence qui s’en met plein les poches. Nous nous disons que nous reviendrons. Un jour. Peut-être. Peut-être que lors d’un prochain voyage en Bolivie nous pourrons engager un guide sans passer par une agence. Peut-être que nous pourrons enfin visiter cette région vue mille et une fois sur nos écrans tactiles. Peut-être… Enfin, si le projet de projet de mine de lithium n’en fini pas avec ce paradis du tourisme de masse.
Après une journée passée dans le moule des touristes en Bolivie nous continuons à façonner notre voyage idéal, un voyage de rencontres et de sentiers à battre.
Sucre la blanche, la propre, la non-chaotique
Une route asphaltée, des barrières de sécurité dans les virages, des montagnes, des arc-en-ciels qui se faufilent entre les nuages noirs et les heures de route défilent d’une beauté paysagesque à une autre. Sous la pluie et loin de la poussière nous quittons les murs aux couleurs de Coca-Cola pour nous retrouver dans un monde de blancheur, de trottoirs, d’églises et de placettes. Deux jours à monter, descendre, tourner et se perdre dans les rues pavées. Deux jours à virevolter d’une église à l’autre.
Dimanche matin, toutes les Églises sont ouvertes. Les ouailles commencent à prier avant la messe, après le travail, entre deux empanadas et trois soupes de tripes. Dans chaque lieu de culte quelques personnes s’agenouillent devant des Jésus aux jupettes roses, jaunes ou bleues à paillettes, aux poses érotiques douteuses et aux cheveux noirs qui feraient rêver plus d’un fan de métal.
En quelques heures nous entrons dans un autre monde, dans un autre tourisme. Un tourisme studieux. Oui, ici les voyageurs viennent apprendre l’espagnol en deux semaines, un mois pour une vie, pour un voyage. Les dortoirs des auberges de jeunesse deviennent des collocations interculturelles, les rues des défilés de mode de pull à lamas et de bonnets péruviens.
Tout se ressemble, rien n’est pareil.
Malheureusement nous n’aurons pas le temps de nous sentir chez nous dans cette ville aux poèmes de céramique affichés aux coins des rues. Notre prochain volontariat nous attend à Samaipata et, c’est de nuit que nous jouerons avec notre vie en montant dans ce bus des années 90 qui roulera douze heures durant entre ravin et éboulements, pluie et chemin de terre, virages et peur au ventre (voir la brève sur notre pire voyage en bus).
Santa Cruz et les Missions Jésuites
Après plus d’un mois à travailler 54h/semaine, c’est le compte en banque rempli d’un SMIC bolivien (voir l’article sur le voyage sans argent) que nous reprenons la route. La mémoire envahie de cette mauvaise nuit de bus entre Sucre et Samaipata, nous cherchons des alternatives à ce mode de transport. En Bolivie le stop ne fonctionne pas vraiment: peu de véhicules particuliers, des conducteurs qui attendent une rétribution financière et tout simplement une culture étrangère à cette pratique. Tant pis, notre traversée des continents américains ne se fera pas seulement en stop mais en stop, en bus et… en train! Enfin, sur quelques kilomètres seulement car si sur Internet apparaissent plusieurs lignes ferroviaires seules deux sont encore en activité: Santa Cruz-Puerto Quijarro (frontière brésilienne) et Oruro-Uyuni.
Le train, ce transport romantique, des temps anciens, aux fauteuils confortables, aux toilettes existantes, aux rails minuscules et à la lenteur d’un escargot malade. Amis du TGV, oubliez le Paris-Marseille en 3h et imaginez plutôt un train Corail de province bloqué par un troupeau de vaches en pleine digestion. Lenteur, lenteur, lenteur. En à peine 6h nous atteignons San José de Chiquitos, mission jésuite située à 276Km de Santa Cruz. Du plat, des arbres, des toucans, des papillons, une vallée de la lune tropicale et verdoyante (si vous y passez et trouvez un rapport avec la Lune, merci de me donner un cours de logique) et un syncrétisme religieux empli d’Histoire et d’histoires à découvrir.
Pour éviter de prendre un bus de nuit sur une route secondaire nous faisons des zig-zags: retour à Santa Cruz en train de nuit pour repartir (en bus de jour) direction Concepción et de San Javier (je vous avais prévenu: j’ai besoin de cours de logique!) Une messe de Carême, une reconstitution du chemin de croix autour de la place, des chocolats chauds, des empanadas de fromage sucrées, des cuñapés et des heures assis en terrasse à regarder les scooters valser sous la pluie chaude de ce mois de mars. Loin de la ville et du tourisme scolaire, loin de la poussière et du tourisme de masse nous découvrons cette région où les Jésuites avaient décidés de s’installer pour civiliser et évangéliser les indigènes Chiquitos (personnellement je pense qu’ils auraient mieux fait d’essayer de dompter les moustiques mais c’est un autre débat).
Malgré la tranquillité de ces villages et la beauté violente des Églises, nous reprenons la route pour le Nord.
Villa Tunari, Cochabamba et le parc Carrasco
Arrivés de nuit à Villa Tunari, la capitale touristique de Cochabamba selon les dires de l’internet, nous nous retrouvons dans une ville sans logique, sans charme, sans comprendre pourquoi nous sommes descendus du bus.
En nous renseignant nous découvrons qu’il y a un zoo et une sorte de refuge avec des animaux en captivités. Très peu pour nous! Heureusement il y a aussi le Parc National Carrasco avec des grottes de chauves-souris et d’un drôle d’oiseau dont le chant imite parfaitement le cri d’un cochon agonisant et donc les petits ne sont autre que des boules de graisses enveloppées de plumes. Avec une visite excessivement chère et rapide du parc, nous quittons sans regret Villa Tunari pour Cochabamba.
Cochabamba. Des muraux, une place qui vie la nuit (voir la brève sur la vie nocturne à Cochabamba) , un marché où vendeurs ambulants, bus, taxi, enfants de rue se bousculent à tout va (voir la brève sur le marché) , une vue imprenable depuis un Christ aux bras offrant des gros câlins aux croyants et ces 40 minutes de bus pour atteindre le village de Tarata. Quelques rues aux murs décrépis, des étudiants de l’école militaire qui chantent des mots incompréhensibles, de la douceur de vivre et la tranquillité d’un lundi après-midi d’un autre temps…
Cochabamba n’a pas été un coup de coeur mais plutôt une évidence. Sans vraiment savoir pourquoi cette ville nous a tout de suite expliqué que nous y étions chez nous, une, deux ou cent nuits. Sans jamais se perdre nous avons erré entre ses rues de jour comme de nuit à la recherche d’un jus d’orange fraîchement pressé, d’un pain de riz ou d’un morceau de papaye.
Au milieu des quelques touristes nous nous sentions comme des poissons dans une eau douce et paisible. Pourtant, à force d’entendre les chauffeurs de bus crier à tout va « Oruro, Oruro », nos envies de départ ont repris le dessus et, une fois de plus, nous avons remis notre vie et nos tickets entre les mains d’un chauffeur un peu trop pressé. Entre montagnes et virages, nos coeurs dansaient à chaque nouvelle courbe. Ici et là des paysages à couper le souffle et cette envie de descendre du mini-bus pour poursuivre le chemin à pied. Envie de lenteur, de rencontres, de sentiers à battre et de découvertes… Un jour peut-être, nous crierons « stop! » et, d’un rire enjoué nous partirons sur les traces de ces chemins qu’il nous reste à dessiner (voir l’article sur le voyage et la marche avec une malformation aux genoux)
Oruro, la ville non touristique
Oruro. Si l’on en croit les guides touristiques cette ville n’a d’intérêt que le carnaval. Il faudrait d’ailleurs quasiment la railler des cartes de Bolivie une fois cet évènement passé. Un chouia têtus nous avons tout de même décidé d’y passer quelques nuits. Et quelle surprise! Un téléphérique pour monter vers une Vierge étoilée qui offre une vue magnifique sur des lagunes, des montagnes, des nuages et ces maisons de briques rouges et de ciment, aux toits désolés et à la pauvreté apparente, des muraux magnifiques, ce chaos que l’on aurait presque oublié depuis Uyuni et l’anniversaire d’un groupe folklorique habitué du carnaval. Des gradins pleins d’habitués qui se lèvent et saluent la Vierge du Socavon, des danseuses suivant l’archange Gabriel, des diables qui lancent des flammes vertes depuis leur masque de dragons, des sortes de Chewbacca velus, une mort qui défile entre les groupes de danseurs, des musiciens qui boivent du rhum dans des mignonnettes en plastique, des feux d’artifices lancés depuis la piste de défilé et allumés avec des cigarettes, des vendeuses ambulantes aux bébés noués dans leurs dos… Un monde de magie, de rêves, de fête et de curiosité culturelle envahie nos sourires émerveillés.
Non, Oruro n’a aucun intérêt si ce n’est celui de découvrir une autre facette de la Bolivie. Une facette cachée du tourisme de masse, du tourisme scolaire, du tourisme tout court.
Sajama, le parc qui invite au sédentarisme
Après cette fête improvisée nous partons pour Sajama, ce parc depuis lequel je vous écris aujourd’hui.
Voici toutes les infos pratiques sur cette merveille altiplanique.
- Tarifs :
- Entrée du parc : 100 bs / personne (sans limite de durée)
- Thermes : 30 bs/personne négociable
- Comment y aller ?
- Depuis La Paz ou Oruro prendre un bus ou un trufi (minibus) direction à, respectivement, Oruro ou La Paz et descendre à Patacamaya (entre 10 et 50 bs/personne)
- Depuis Patacamaya le surbi (minibus) se prend en face de la boutique Capitol sur l’avenue principale. Départ une fois plein (les passagers arrivent à partir de 12 h 00 et le minibus se rempli assez vite) 30 bs/personne
- Retour : départ du lundi au samedi à 6 h 00 depuis la place / dimanche départ à 4 h 00
- Attention, pas de transport jusqu’à / depuis Patacamaya 1 samedi sur 2
- Où dormir ?
- Entre 50 et 90 bs pour 2 avec ou sans eau chaude, tout dépend de la douche électrique ! Possibilité de négocier pension complète
- Qu’est-ce qu’on y mange ?
- Pas mal de bouibouis, mais si vous êtes végétarienne, mieux vaut faire ses provisions avant (j’ai mangé des tomates pendant 1 semaine, car il n’y avait aucun autre légume) entre 10 et 15 bs/repas
- Activités :
- Plusieurs randos possibles en quelques heures (attention, le village est à 4250 m donc on se fatigue rapidement si on n’est pas habitué). Même en étant asthmatique, j’ai fait pas mal de marche sans souci et sans guide
- Pour les volcans, on nous a dit qu’il fallait attendre le mois d’avril pour pouvoir entreprendre l’ascension à cause de la neige
- Trek de 2 jours possible pour aller voir des lagunes. Nous, on ne l’a pas fait, car en mars tout est gelé au petit matin, la nuit, il fait vraiment froid. Tente 4 saisons indispensables !
- N’hésitez pas à acheter de la coca à Patacamaya, ça aide parce que le parc oscille entre 4250 m et 6542 m
Si vous avez des suggestions de lieux à visiter ou des questions sur la Bolivie, laissez-moi un petit commentaire!
Un article sans photos et pourtant j’ai des images plein la tête en lisant votre récit. Les Jésus bariolés, les maisons aux toits de tôles, je vois même quelques Boliviennes aux habits colorés et leurs mini chapeaux vissés sur la tête ! L’Amérique du Sud m’attire et j’imagine que votre expérience itinérante a dû être une sacrée aventure !
Merci beaucoup pour ce commentaire. Wahou, réussir à provoquer des images à partir de mots, est un très beau compliment, merci!
Les photos viendront petit à petit, quand je prendrai le temps d’aller à un cyber pour avoir accès à un ordinateur (voyager seulement avec un smartphone a quelques inconvénients).
Je suis encore en Amérique Latine. Je suis arrivée hier au Pérou et ce pays promet déjà d’être haut et beau en couleurs!
Héhéhé pour ma part beaucoup de souvenirs… Des images, mais aussi des sons, j’ai beaucoup ri en lisant ton passage sur les vendeurs qui hurlent « Oruro », chacun y allant de son intonation pour essayer de se distinguer… XD
Merci pour ces petits partages du quotidien bolivien ! 😀
Merci pour ton commentaire Samuel.
La suite du voyage arrive bientôt même si elle sera moins « exotique »: La Paz et les hauts lieux du tourisme de masse, Coroico et Copacabana!