Jour 29 d’un amour en pointillés,
Le Havre
On dit qu’il y a un temps pour tout. C’est sûrement vrai.
Il y a eu le temps de notre rencontre, entre trois messages et deux sourires. Il y a eu le temps de l’amour et celui des cris sourds qui s’étouffent dans nos silences partagés. Enfin, il y a eu le temps du départ, de ce voyage à vélo. Sans toi. Depuis, je vogue sur le temps des lettres sans réponse. Sans envoi.
Ce week-end, je l’ai offert au temps des retrouvailles. Avec Elle.
Je crois que je ne t’en ai jamais parlé, mais j’ai peur de l’oubli. Peur que l’on m’oublie.
Je suis la voyageuse qui traverse des vies au rythme des au revoir. Je suis l’introvertie qui sourit sans parler, qui observe sans juger. Je suis la discrète qui préfère se blottir dans l’ombre du silence, je choisis de m’effacer lorsque des groupes se forment, lorsque des bruits envahissent la pièce. Je suis la physionomiste qui se souvient des prénoms alors qu’elle ne donne jamais le sien, je suis l’amoureuse des mots qui remplit sa boîte mail de messages qu’elle n’ose jamais envoyer. Pourquoi ? Parce que j’ai peur qu’en lisant mes souvenirs, le lecteur ne reconnaisse pas la signature. Parce que je suis celle que l’on oublie. Enfin, je crois.
Pourtant, dans cet oubli apeuré, des amitiés subsistent. Elle, je l’ai rencontré il y a plus de 7 ans, au Nord du Sud, dans un petit port sans charme de Patagonie. Avec Elle, j’ai connu la pluie, les urgences, les étiquettes de Malbec, le sourire du serveur et les soirées pizza-vin-karaoke. Avec Elle, on sait qu’on se l’ait trop dit, mais on se le dit quand même.
Ces retrouvailles, je les attendais depuis mon départ. Depuis bien avant. Je les attendais, car elles me font croire que l’on ne m’oublie pas. Enfin, pas entièrement.
Ces retrouvailles, je les attendais pour expliquer à mon petit cœur vagabond, qu’il y dans le monde, des personnes qui gardent en mémoire la trace de mon sourire, l’empreinte de mes baisers, les fausses notes de mes chansons inventées et l’accent de mes mots étrangers.
Ces retrouvailles ont été celles d’une amitié qui résiste au temps et à la distance, aux silences et à l’absence. Elles ont été celles du rhum arrangé, des cacahuètes, des restos et des feux d’artifice que l’on regarde sous la couette. Elles ont été celles du Havre, de la pizza, des bières et des amours que l’on se raconte.
Ces retrouvailles nous ont fait oublier les peines de cœur. Elles nous ont donné des envies d’ailleurs et nous ont bercé dans ces souvenirs que l’on partage.
Elle, elle ne m’oublie pas. Que je sois ici ou là, elle reste fidèle à cette amitié au goût de pluie, à la douceur d’un fromage de brebis et à rondeur de nos rires partagés.
Moi, je ne t’oublie pas. Que je sois ici ou là, je garde en mon cœur le premier regard, la visite de mes montagnes bleues, la timidité de tes mots et les nuits étoilées sur le balcon. Là-bas ou ailleurs, j’oublie la douleur de la séparation, les doutes et les questions. J’oublie le mauvais temps de notre relation, les peurs et les conversations sur l’après. Aujourd’hui et demain, je garde en mémoire la promesse que l’on s’est faite un jour, celle de s’aimer pour toujours.
Je dois être honnête avec toi, j’ai laissé sombrer dans l’oubli l’amour amoureux qui faisait exploser en mon cœur des milliers de feux d’artifice. Mais, il existe mille et une façons d’aimer. Alors, aujourd’hui, je t’aime tendrement, je t’aime à la façon d’une voyageuse au cœur d’artichaut qui n’oubliera jamais l’amour qui, il y a quelques semaines encore, nous faisait nous oublier dans des draps d’été.
Août 2021 : Toulouse → Bruxelles à vélo et en solo. Lors de ce voyage à vélo et en solo, j’ai écrit des lettres d’amour et de désamour. Réelles ou fictives, elles racontent ce voyage sous le prisme de l’amour, des rencontres, des doutes et de la séparation. Toutes les lettres sont à retrouver ici ou sur Instagram.