« Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux »
(Marcel Proust)
Un départ vers l’Est, un retour à l’Ouest et des vadrouilles dans le Sud. Bilan d’un été bercé par les rencontres, les retrouvailles et les découvertes. Bilan d’un été rythmé par des voyages en France.
Des plans vers l’Est
Avril. Le printemps arrive, le soleil réchauffe les fleurs naissantes et moi, je laisse des larmes de désespoir envahir mon cœur. D’après le rhumato, il ne me reste que quelques années pour profiter d’être debout.
Cette baffe monumentale a réveillé mon esprit de contradiction. Armée de mon éternel optimisme, j’ai chaussé mon sac toujours trop lourd, serré mes lacets et j’ai pris les chemins de traverse. Je n’avais qu’un seul but : suivre mon cap, aller vers l’Est. Ma seule contrainte : être de retour pour m’envoler vers le Chili en novembre. J’avais donc devant moi plusieurs mois pour traverser la Slovénie, voguer en Roumanie et pourquoi pas fouler la Moldavie d’un sourire curieux.
Après une semaine de randonnée dans les Dolomites (Italie), j’ai embrassé ma mère. Un câlin qui devait combler les semaines d’absences et réchauffer mon cœur lorsque le froid de l’automne viendrait frapper à ma tente. Alors qu’elle repartait vers l’Ouest, moi j’ai commencé à marcher.
Un pied devant l’autre j’ai fait des tours et des détours en Slovénie. A force de pluie, de brouillard et de galères j’ai senti mon optimisme lutter contre la malchance. A force de bienveillance, de sourires et de rencontres éphémères je l’ai senti battre d’amour pour une Humanité encore merveilleuse.
Un pied devant l’autre j’ai marché vers l’Est, en gardant mon cap. Plus l’aube approchait et plus je me sentais forte, invincible. Tous les jours n’étaient pas teintés de rose en Slovénie mais rien ni personne n’aurait pu me détourner de l’Est.
Enfin, c’est ce que je croyais.
Des changements vers l’Ouest
A quelques centaines de kilomètres de la frontière hongroise j’ai reçu un coup de fil.
A 30 ans j’ai compris que mes parents n’étaient pas éternels.
Cette baffe monumentale a remis en question mon voyage. Mes voyages. J’ai continué ma traversée de la Slovénie à pied puis j’ai changé de cap. Je suis rentrée vers l’Ouest.
Mon père à l’hôpital j’ai fais une croix sur la Roumanie, la Moldavie et peut-être même la Bulgarie.
Tant pis.
Pour ne pas cumuler les kilomètres entre sa chambre blanche et mon amour d’enfant, j’ai laissé tomber mon sac toujours trop lourd dans le Sud. Tout l’été j’ai enchaîné des aller-retours entre le Portugal et la France. J’y suis d’abord allée à reculons, puis armée de mon éternel optimisme. J’y suis allée pour le voir, pour renouer avec ce pays qui coule dans mes veines, pour comprendre une région que je pensais haïr d’un amour vagabond.
Aller et venir au Portugal n’étaient pas vraiment des voyages mais une succession de retours.
Retours chez Lui.
Retour chez Elle.
Retour à la maison.
Retour au pays.
L’Est était bien loin et mon enracinement bien trop près.
Alors, pour fuir la sédentarité qui m’effraie tant, j’ai chaussé mon sac toujours trop lourd sur le dos et j’ai parcouru des bouts de France. J’ai rencontré, retrouvé et découvert.
Des rencontres
Au cœur de Navacelles j’ai rencontré des sourires dont je ne connaissais que les mots. Les pieds dans la Vis j’ai suivi les instructions de Solcito et posé de dos avec l’Emir du Kiffistan. Sous une averse estivale j’ai compris que Mitchka et toute sa famille baroudeuse ne partait jamais en voyage sans une bonne dose de malchance dans son sac.
A Paris j’ai suivi les pas et les mots de Cédric. Alors que mon silence lui avouait que c’est son blog From Yukon qui m’a donné envie de montrer mes mots aux Internets, mes yeux se lovaient dans un bonheur urbain à chaque nouvelle fresque.
Dans un village du Cantal j’ai rencontré Marinnette, la tenancière du bar-tabac où, tous les matins j’allais boire un café en rédigeant des articles pour un client. Pendant qu’elle finissait sa Ricorée, elle me racontait les maladies de Robert, Hervé et compagnie. Adoptée par la commerçante après deux gorgés d’allongé seulement, je lui ai appris à télécharger un document sur sa tablette, elle m’a expliqué ce qu’était un bourriol. Comme de vieilles amies d’âges et d’accents différents, on a parlé potager, sécheresse, tourisme et avenir.
Le soir c’est Guy que j’ai rencontré. En nous voyant passé il a sorti sa tête pour nous inviter à prendre une gentiane-cassis. Au pied des puys du Cantal chaque trajet en voiture, chaque pas, chaque sourire invite à l’apéro, à la rencontre, aux souvenirs d’une vie de voyages.
De ces rencontres éphémères je garde le souvenir d’une France chaleureuse et accueillante, de l’amertume de la gentiane et de l’odeur des bourriols qui cuisent au son de la voix de Marinnette.
Des retrouvailles
Puis, à Paris j’ai bu du pisco chilien, mangé des empanadas argentines et j’ai ri avec celle qui a partagé plusieurs mois de ma vie de stagiaire à Puerto Montt (Chili). Ensemble on a vécu l’ennui de la pluie, le rire des Chiliens, la beauté des lacs. Alors, ensemble on parle de voyages, de rencontres et d’aventures. Ensemble, on sait que notre amitié est vagabonde, qu’elle résiste au temps et à la distance et qu’un bout de fromage suffit à la faire briller.
Seule, je suis partie dans le Cantal. Arrivée au pied du Puy Griou j’ai senti mon cœur battre, puis s’arrêter, puis s’extasier avant de se pincer pour savoir s’il rêvait. Après près de 10 ans sans la voir, Elle était là, sur un banc. Une amie baroudeuse avait traversé la France pour me faire une surprise. Encore une fois j’ai réalisé que ni le temps ni la distance ne pouvaient séparer des amitiés enracinées dans un cœur voyageur.
Ensemble nous avons marché, ri, bu de la gentiane et cumulé les apéros en terrasse dans ce petit coin de France.
Ensemble nous avons découvert la beauté des paysages et la gentillesse des Cantaliens.
Ensemble nous nous sommes rappelé à quel point la France est douce.
Toujours au plus au Sud j’ai posé mon sac à Marseille. Après deux ans sans rire ensemble, j’ai revu le cœur de la famille nomade. En un battement de cœur, nous avons repris nos bonnes vieilles habitudes chiliennes : de terrasses en terrasses nous avons trinqué au café, échangé quelques bières et dégusté le top de la gastronomie phocéenne (couscous, falafels et pains au chocolat). Sans but nous avons marché ici et là, livrant nos secrets au mistral et nos souvenirs aux larmes de rire. Sans se soucier du lendemain nous avons fait battre nos cœurs à l’unissons sur des rythmes de souvenirs et d’avenir.
Des découvertes
Au Sud, j’ai continué mon exploration d’ailleurs hexagonaux. J’ai été voir de l’autre côté du Mont Aigoual. A quelques kilomètres seulement de chez moi j’ai découvert les Gorges du Tarn. Avec Elle j’ai marché, bivouaqué et pagayé de Florac au Rozier. Une micro-aventure pour sa première randonnée itinérante.
En quête d’aventure j’ai pris mes clics et mes clacs et je suis partie vers le coucher de soleil. En trois jours j’ai marché de Collioure (Pyrénées Orientales) à Cadaqués (Espagne). J’ai longé la mer, gravi des montagnes et sué comme jamais. Chaque nuance de bleu a fait vibrer mon cœur fatigué par tant de chaleur.
Seule, j’ai redécouvert mes forces.
Seule, j’ai repensé à tout ce que le voyage à pied m’avait appris.
Seule, j’ai repris plaisir à planter ma tente, manger de la semoule et me perdre dans des rues inconnues.
Pour finir l’été en automne, j’ai fais mon petit bonhomme de chemin sur la côte aux eaux turquoises. Pendant une semaine j’ai vadrouillé ici et là, à Nice. Seule puis avec Lui j’ai battu le trottoir de la promenade des Anglais, j’ai écouté parler russe au pied de la cascade, j’ai arpenté le sentier du Vallon de Donaréo puis j’ai écarquillé mes yeux de bonheurs sur les routes de l’arrière-pays. Lors de cette deuxième escapade niçoise j’ai compris pourquoi Il avait décidé de poser ses valises dans ce coin de France.
Un rappel
Comme un retour aux sources ces escapades hexagonales m’ont rappelé à quel point j’aime la France.
Seule, avec Elle, Elle, Lui ou Eux je me suis rappelé à quel point j’aime les rencontres, les retrouvailles et les découvertes. A pied, en canoë ou en voiture, j’ai repris plaisir à découvrir ce pays que je dis « mien », ce chez moi européen, ce petit bout d’hexagone que j’arpente au gré des retours.
Amoureuse de la lenteur j’ai voyagé un été en France au rythme des TER, des cars et des nationales. Sans chercher à aller bien loin, j’ai transformé la déception de projets orientaux en sourires locaux. Sans avion, sans visa, sans douane j’ai vécu mille et uns voyages. Sans quitter la France j’ai appris de nouveaux mots, j’ai découvert de nouvelles saveurs et vu des paysages comme nulle part ailleurs. Sans au-revoirs j’ai revu, retrouvé et cumulé des souvenirs en pagailles, des souvenirs heureux, des souvenirs d’hier et de demain.
Amoureuse des belles histoires, j’ai gravé dans mon cœur vagabond des sourires à offrir, des souvenirs à faire vivre et des secrets à écrire…
Et toi, aimes-tu voyager dans ton propre pays ? Quels sont tes endroits coup de coeur en France ?
Bonjour !
Très beau récit.
J’aime de plus en plus voyager en France également. Surtout depuis que j’ai fait un voyage au « long cours ».
En rentrant après un an d’absence, j’ai trouvé que je ne connaissais pas assez bien mon propre pays qui a pourtant tant de richesses ! Mon été lui a donc été consacré.
Très belle plume. Merci;
Merci beaucoup Carine, c’est gentil.
Je profite de chaque retour pour découvrir de nouveaux coins de France et même après des années de voyages ce pays n’arrête pas de me surprendre par la beauté et la richesse de ses paysages.
Bons voyages en France ou ailleurs 😉
C’est un très belle prose que tu nous livres ici, à la fois très intime et très retenue : une ôde au voyage en France <3
Par contre, tu n'aurais pas dû écrire tant de mots flatteurs à propos du Yukon, il va se la raconter pendant des semaines maintenant ….
Merci beaucoup Mitchka 🙂
A croire que l’escapade agathoise a rendu le Yukon modeste : il a échangé mon compliment contre un merci simple et discret. Comme quoi, tout est possible en France !