« Le vrai voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux »
(Marcel Proust)
Voyager c’est découvrir, apprendre, connaître. Voyager c’est laisser dans sa chambre d’hôtel ses paradigmes pour essayer de comprendre ces cultures si différentes de la nôtre. Voyager c’est s’enrichir d' »ailleurs ».
Voyager c’est rentrer chez soi, ouvrir son journal et retomber brutalement sur Terre en comprenant que tout le monde n’a pas eu la chance de partir ni même d’ouvrir ses yeux sur le monde qui l’entoure.
Rentrer chez soi c’est allumer la télé et écouter des discours politiques qui peuvent paraître absurdes à tout voyageur.
Lors d’un bref passage en France, j’ai eu l’occasion de retomber sur Terre en laissant un discours d’Eric Zemmour atteindre mes oreilles. Bien que ces quelques mots resteront toujours en suspension loin de sa réalité, j’ai eu envie de lui répondre avant de monter dans un avion pour découvrir les tords et travers des politiciens d' »ailleurs ».
« Monsieur Zemmour, vous avez raison, beaucoup de Français sont malheureux et ne reconnaissent plus la France. Je suis l’une de ces Français. Oui Monsieur Zemmour, je suis malheureuse de voir que la France n’est plus ce qu’elle était : aujourd’hui à la tête des ventes littéraires on ne retrouve plus de grande littérature mais un essai écrit par un journaliste haineux et raciste ; aujourd’hui les médias donnent toujours plus de temps de paroles aux politiciens d’extrême droite tout en se demandant pourquoi le FN monte dans les sondages ; aujourd’hui on confond Islam et terrorisme ; aujourd’hui on a peur de son voisin.
Comme il y a dans certains quartiers une majorité de gens qui viennent de l’immigration arabo-africaine, et c’est tout à fait normal aussi, ils vivent à leur manière, et donc les gens minoritaires, les Français autochtones minoritaires, dès qu’ils peuvent, quand ils ont les moyens, s’en vont
Eric Zemmour, 6 mars 2010
Monsieur Zemmour, oui, je suis l’une de ces Français qui, lorsqu’ils sortent de chez eux se retrouvent sur un autre continent. Un continent riche de saveurs et de diversité. Quelle chance n’avons nous pas de pouvoir voyager autant sans même devoir sortir de notre ville ! Aller au marché, acheter des rouleaux de printemps pour l’apéro, faire le plein de légumes locaux, succomber à l’odeur d’un poulet rôti, et faire une pause en terrasse autour d’un thé à la menthe.
Sur ce continent, au bas de chez moi, je peux me perdre dans la diversité linguistique de ses habitants. Parfois il m’arrive de prendre le RER et de n’entendre personne parler français. Dans mon wagon, une mère parle à ses filles en arabe, une Mexicaine débat en castillan avec une Péruvienne et j’imagine que ces deux hommes parlent une langue asiatique, mais laquelle ? Les bruits se mélangent pour créer une mélodie envoûtante qui m’envole loin de la pollution parisienne.
Monsieur Zemmour, lorsque vous dîtes qu’à « l’école l’Histoire a changé », vous avez raison, une fois de plus.
Il y a quinze ans, dans ma classe rares étaient ceux qui avaient des noms de famille français. Portugais, Grecs, Sénégalais, Marocains, Vietnamiens, nous étions tous là, à expliquer à notre institutrice comment prononcer ces noms étrangers, venus d’ailleurs, venus des HLM du quartier.
En ZEP nos différences culturelles ne nous dérangeaient pas, ne nous faisaient pas peur. Jamais nous nous sommes demandé pourquoi un tel avait des yeux bridés alors qu’un autre était noir de peau. En ZEP nos différences culturelles ne nous dérangeaient pas, elles nous rapprochaient car nous avions tous un père, une mère ou des grands-parents venus d’ailleurs, de ce là-bas où nous partions en vacances et d’où nous revenions les yeux remplis de souvenirs, les mains remplies de nouveaux gestes.
En ZEP, nos différences culturelles ne nous dérangeaient pas, elles nous enrichissaient de nouveaux mots (gros mots ?!) qui s’intégraient tout naturellement au français, sans avoir à justifier leur étymologie.
L’Histoire qu’on nous enseignait, l’Histoire que l’on vivait était celle d’une France, terre d’accueil pour tous. On nous parlait d’une idée, celle d’un pays où les Hommes seraient libres, égaux et fraternels.
Fraternels envers tous les Hommes … égaux.
Monsieur Zemmour, vous dîtes vouloir profiter de l’instant présent alors profitez-en. Profitez-en car, comme moi, de nombreux Français sont malheureux, de nombreux Français ne reconnaissent plus leurs pays, de nombreux Français sentent un profond dégoût lorsqu’ils entendent votre nom et vos idées.
Ces Français, fils de Français, fils d’Immigrés ne vous lisent pas, ne vous écoutent pas et rêvent. Oui, nous rêvons de retrouver cette France libre, égalitaire et fraternelle que des Hommes comme vous ont inondée sous des propos racistes, xénophobes. Nous rêvons et nos rêves reconstruiront notre France. Des immigrés continueront à venir et nous les accueilleront bras ouverts, nous continueront à manger des kebabs et de la morue, nous continueront à aimer des couleurs de peau différentes de la nôtre, nous continueront à avoir des enfants binationaux, nous continueront à vivre dans un monde multiculturel dans laquelle ni vos préjugés, ni votre racisme n’ont leur place.
Cordialement,
Une plume qui voyage ici et là-bas, chez moi et chez eux … »
Tellement merci pour ce bel article!
Par choix, je n’écoute plus ni la radio ni la télé (sauf les émissions de voyage hihi ) en grande partie à cause de ce genre de discours…
Parfois, entre deux émissions musicales, deux reportages de voyages je tombe sur des discours de M. Zemmour et compagnie et je me rappelle pourquoi, depuis une dizaine d’années je n’ai plus de télé chez moi.
Merci pour ton commentaire 🙂