Il est de ces villes où l’on va et d’où l’on revient en laissant ses pieds nous guider. Les yeux ouverts sur les souvenirs de sourires nuageux, les pavés de la gare sont le terrain de jeu détesté des valises de passages sur cette terre d’Histoire et de rencontres.
Dès mon arrivée sous les nuages du Nord, je laisse mon cœur revivre les hiers pluvieux.
Dès mon arrivée, je sens que je suis de retour « chez moi ».
Lorsque l’on connaît une ville, on a parfois du mal à chausser nos lunettes de touristes pour la (re)découvrir.
Les vielles habitudes gravées dans nos semelles nous mènent souvent là où les bons souvenirs s’entassent sans vraiment laisser place à de nouveaux sourires. Pourtant, c’est le pari que je me suis lancée pour mes (trop) petites vacances : ouvrir mes yeux sur Lille.
Roubaix : des retrouvailles avec la ville de mon Master
Pendant mes quelques jours nordiques, j’ai eu envie de retourner à Roubaix, cette ville que je connaissais qu’en hiver, cette ville dont je ne connaissais qu’un parking glauque, une entrée de fac pourrie de fientes de pigeons, des locaux insalubres. De Roubaix, je ne connaissais que le placo de la fac qui tombe en lambeaux, laissant entendre les bruits de nos voisins du dessus, ces voisins qui vivent dans des logements sociaux au moins aussi insalubres que l’Université de Lille 3.
Alors un matin, j’ai pris mon courage à deux mains et le tram du bas de la rue.
Derrière les vitres, des maisons somptueuses sont apparues. Dans ce Nord, ce n’étaient pas les corons, mais plutôt les châteaux Playmobil. Après plusieurs dizaines de minutes à toucher des yeux ces demeures de briques rouges, j’arrive à Roubaix.
Je commence ma visite improvisée en suivant les rayons de soleil. De street art en street art, j’arrive à la Condition Publique (fermée. Tant pis, j’y reviendrai).
Je bifurque à droite, fais demi-tour à gauche et Bachelet fait sonner la pluie noire dans ma mémoire. À chaque carrefour, les briques rouges s’enchaînent.
Les maisons ne font plus qu’une.
Une porte, deux fenêtres, un porte, deux fenêtres.
Les volets sont bleus, parfois rouges.
Une porte, deux fenêtres, une porte, deux fenêtres.
Une rue, une bâtisse.
Une rue et cette couleur rouge brique qui n’en finit plus.
Dans ce dédale de pierres, je me perds. Toutes les rues se ressemblent pourtant, chacune d’elle abrite des histoires uniques.
Au milieu de ces petits carrés ocres, je me laisse guider par les odeurs de kebab qui me ramènent vers le centre. Dans la Grand Rue les épiceries d’ailleurs me font voyager. Les odeurs d’épices se mélangent à celles du pain frais, la France franco-française se mélange à celles des immigrés, des voyageurs, des exilés qui ont replanté leurs racines dans ce bout du Nord. À Roubaix, comme ailleurs dans le Nord, on parle arabe, comoriens, français, portugais ou espagnol, n’en déplaise à certains.
Je quitte Roubaix, emportée par des mélodies de langues inconnues. Ici, les minorités forment une majorité : celle de la mixité, des rencontres, des ailleurs différents et qui pourtant portent en eux une part de l’Histoire de France, de l’Histoire des mines, de l’Histoire du textile.
Lille : lever les yeux pour mieux se perdre
Dans le train qui m’a fait traverser la France, je me suis imaginée assise dans la chaleur d’un café seule, avec mon petit carnet et mes trois tasses d’allongés. De là, je me suis vue marcher jusqu’au salon de thé pour un goûter si cher à nos retrouvailles. Et puis, j’ai rêvé de me perdre dans les allées du marché de Wazemmes, prendre un apéro en terrasse à l’aube d’une nuit pleine de surprise et serrer dans mes bras ces sourires qui vivent au cœur de mes souvenirs.
Alors, lorsque je suis arrivée à la gare Lille Flandres j’ai levé les yeux pour mieux voir la ville. J’ai cherché des boutiques aujourd’hui fermées, j’ai suivi un groupe de touristes à vélos fleuris et je me suis assise sur le parvis de Notre Dame de la Treille. Face à cette cathédrale aux allures de prison, j’ai joué quelques notes de métal dans mes souvenirs musicaux et j’ai regardé les pigeons s’envoler vers de nouvelles miettes à grignoter.
Sans but et en laissant mes repères de côté, je me suis perdue dans les ruelles du Vieux Lille. Ce quartier était tellement loin – géographiquement et culturellement – de mon chez moi lillois que j’y venais parfois pour « voyager ». Ici, certaines boutiques n’affichent pas le prix des ceintures qu’elles vendent ou, quand elles le font, elles frôlent l’indécence.
Ici les briques rouges ne respirent pas le charbon, ni les mines, ni les corons de Pierre Bachelet.
Ici, tout est propre, beau, parfait.
D’ici, je m’en vais vers de nouveaux horizons lillois.
Arrivée à la Grand Place je n’ai pas su résister à la tentation de me perdre dans les allées des bouquinistes de la place de la Vieille Bourse. De là, j’ai suivi mon petit bonhomme de chemin jusqu’au Beffroi (fermé. Tant pis, j’y reviendrai). Malgré les nuages grisonnants, j’avais envie de prendre de la hauteur pour baisser les yeux sur cette ville qui cache mille et un secrets.
Le Nord : des au revoir au goût de bonjour
Pendant cette semaine lilloise, j’avais tellement de choses à faire et de bébés à voir que je savais qu’une semaine ne me suffirait pas à remplir mon appareil photo de nouveaux souvenirs. Pourtant, j’avais envie d’écrire sur cette ville qui fut mienne ; sur ce parc de la Citadelle que je n’ai jamais su apprécier ; sur ce cimetière de Lille Sud où je me suis tant de fois perdue, entourée d’une bouffée de rire solitaire ; sur cette place bétonnée où nous avons transformé les pavés en plage chilienne, alors je me suis assise, j’ai commandé un allongé et je me suis blottie dans ces fauteuils que mon corps a tant de fois aimé.
Malgré le manque de temps, j’ai pris celui de me sentir chez moi.
Encore une fois.
Malgré le manque de temps, j’ai pris celui de l’arrêter quelques instants parce qu’une ville ne se « fait » pas, parce qu’une visite ne m’aurait pas suffi, parce que Lille, je voulais la vivre. Encore une fois.
Avant de reprendre ma roue vers de nouvelles retrouvailles au goût d’au revoir, j’ai été rencontré quelques bébés.
La prochaine fois que je les verrai, ils sauront sûrement parler, marcher et peut-être même rendre chèvre leurs parents.
La prochaine fois que je les verrai, on se présentera comme si hier n’avais jamais existé parce que c’est ça aussi de vivre sur la route : c’est prendre le temps de voir défiler ces moments précieux qu’on ne saura jamais revivre, c’est prendre le risque de rater un temps précieux auprès de celles et ceux qui voyagent avec nous dans nos cœurs vagabonds.
La prochaine fois que je les verrai, je chausserai mes lunettes de touriste et laisserai mes semelles me guider vers ces lieux connus et inconnus de mes souvenirs heureux.
La prochaine fois que je les verrai, je prendrai le temps de (re)visiter mon chez-moi du Nord : Lille.
Et toi, lecteur.rice, connais-tu Lille ? Que penses-tu de cette ville ?
Lille : infos pratiques
A voir / à faire
- S’abriter de la pluie dans des musées
- Classique : le Palais des Beaux Arts (Lille)
- Original : le Musée de la Piscine (Roubaix)
- Urbain : la Condition Publique (Roubaix)
- Se perdre dans les ruelles du Vieux Lille, de la Grand Place jusqu’à la Cathédrale Notre Dame de la Treille en passant par la rue de la Monnaie et celle de la Clef (métro Rihour)
- Monter au Beffroi de Lille et sourire aux toits qui s’étalent sous nos pieds (métro République)
- Faire une pause et revive les Histoires dans le cimetière de Lille Sud (métro Porte des Postes)
- Flâner sous les arbres du parc de la Citadelle et découvrir la forteresse Vauban
- Faire le plein de bouquins sur la Place de la Vieille Bourse (métro Rihour)
- Boire des bières en terrasse ici et là
Où manger ? Où sortir ?
- Sur le pouce :
- Tous les dimanches, le marché de Wazemmes s’anime et égaille les papilles. Sur ce marché multiculturel, on trouve des spécialités maghrébines, thaï, turques, françaises et de contrées lointaines. Aux terrasses des cafés, les odeurs de poulet rôti jouent à cache-cache avec celles des rouleaux de printemps et du vin blanc. Dans les halles, découvrez les empanadas chiliennes et les tacos naturellement bleus du Mestizo (épicerie – restauration rapide latino-américaine délicieuse même pour les végétariens/vegans)
- Marché de Wazemmes : sortie de métro Gambetta
- Tous les dimanches, le marché de Wazemmes s’anime et égaille les papilles. Sur ce marché multiculturel, on trouve des spécialités maghrébines, thaï, turques, françaises et de contrées lointaines. Aux terrasses des cafés, les odeurs de poulet rôti jouent à cache-cache avec celles des rouleaux de printemps et du vin blanc. Dans les halles, découvrez les empanadas chiliennes et les tacos naturellement bleus du Mestizo (épicerie – restauration rapide latino-américaine délicieuse même pour les végétariens/vegans)
- N’étant pas une grande adepte de la cuisine traditionnelle ch’ti (végétarienne et intolérante au lactose, mes choix de menu sont assez limités), mes recommandations sont assez restreintes
- L’estaminet au Vieux de la Vieille (dans le vieux Lille) pour découvrir le potjevleesch, les carbonnades flamandes ou le gratin de chicon
- La Chicorée (métro Rihour) pour déguster quelques moules frites
- Le Cirque (rue des Postes) propose un welsh végétarien (tout aussi gras que la recette traditionnelle !)
- Les Merveilleux sont LES incontournables de Lille. Pour les apprécier, il faut aimer le sucre et surtout ne pas faire de diabète ! Les Merveilleux sont, grosso modo, des meringues enrobées de crème fouettée au chocolat, café ou spéculoos.
- Boutiques rue de Gambetta (place du Marché de Wazemmes), rue de la Monnaie et place des Buisses
- Le café Chez Léontine (rue Solférino, près de la place Philippe Lebon) est mon endroit préféré pour un goûter léger et bio. Entre les thés, les pâtisseries maisons, les livres à dispositions et l’atmosphère chaleureuse (même par temps de pluie !), on s’y sent comme à la maison
- A quelques mètres du Musée des Beaux Arts, L’écart ouvre ses portes sur une ambiance tantôt studieuse tantôt houblonnée. On s’y installe le temps d’écrire un article de blog, de partager quelques photos sur les réseaux sociaux ou se remettre d’une manifestation
- Sur la Grand Place et la place du Théâtre (juste derrière) les terrasses sont reines. On s’y installe pour profiter des rayons de soleil printaniers face aux dorures de bâtiments rêveurs
- Dans une tout autre ambiance la place du marché de Wazemmes les sons de langues d’ailleurs chantent au gré des pavés brillants. Aux quatre coins de la place, les terrasses s’enchaînent. On y boit aussi bien une bière qu’un thé à la menthe